18 février 1964, La France évite au Gabon une prise de la « M’BAstille » !

Dans la nuit du 17 au 18 février 1964, le Gabon est le théâtre d’une mutinerie fomentée par des militaires. Le Président Léon M’ba est capturé, aucun coup de feu n’est tiré, pour les rebelles le putsch est réussi. Cependant, la France ne l’entend pas de cette oreille et va envoyer son armée pour remettre le président déchu sur son trône.

Léon M’ba, Président du Gabon depuis l’indépendance de 1960, est l’exemple type du dirigeant africain à la solde de la France, ceux qu’on appelle les « gouverneurs noirs » pour montrer que rien n’a changé malgré les indépendances. D’ailleurs, il n’a jamais digéré l’indépendance de son pays, lui, voulait que le Gabon devienne un département français. Pour montrer l’ampleur de son attachement à la France, il y a cette anecdote selon laquelle il a voulu doter son pays du drapeau tricolore avec comme seule différence, un dessin représentant l’okoumé, l’arbre national gabonais. Mais Foccart a refusé cette requête ! D’ailleurs, ce dernier sera son mentor. Il faut savoir que M’ba a une personnalité très particulière, à la limite de la gaminerie. C’est un homme très capricieux, capable de piquer des grosses colères au moindre refus. Paris se doit de le supporter, voire plus, le soutenir. Car le Gabon est doté de richesses naturelles. Dans ce pays de 900 000 habitants, c’est le bois qui attire la convoitise de la France avant que la société Elf ne découvre plus tard d’énormes gisements de pétrole.

« Opération reconquête »

Dans la nuit 17 au 18 février 1964, une centaine de militaire s’emparent de Léon M’ba et le traînent à la télévision nationale pour qu’il annonce lui-même sa destitution. Le Coup d’Etat est dirigé par le chef de l’opposition Jean-Hilaire Aubame. Pour les putschistes, cette opération est une réussite, aucun coup feu n’a été tiré. Aussitôt, l’Elysée envoie un contingent de militaires basés en Centrafrique alors qu’un avion rempli de paras a décollé de Dakar. Il est hors de question de perdre le Gabon. La manière forte est envisagée alors que De Gaulle aurait parlé de « reconquête »… Mission : chasser les rebelles et remettre Léon M’ba au pouvoir ! Une scène cocasse se produit lors des affrontements entre l’armée française et les mutins gabonais. Un des officiers français reconnaît parmi ses adversaires un ancien ami et camarade de promotion à Saint-Cyr. Le Français lui demande de se rendre sous peine d’être abattu. Ce que refuse son homologue gabonais qu’il lui explique qu’en intervenant de cette manière, la France humilie le Gabon. Le Français réplique : « Je t’ai en ligne de mire. Si tu ne te rends pas, je vais être obligé de te tuer ! » Et le Gabonais lui répond dignement : « Je préfère la mort à la honte ! ». L’officier français s’exécute et tue son camarade de promotion. Bilan de l’opération : une quinzaine de Gabonais et deux Français sont tués.

La machine Foccart dans ses plus belles œuvres

Léon M’ba est retrouvé dans son village natal, il récupère son pouvoir et revient au palais présidentiel. Suite à cet épisode, Foccart décide de prendre des mesures fortes pour éviter toute nouvelle mutinerie. Tout d’abord, il nomme un nouvel ambassadeur, un certain Maurice Delauney. C’est un fin connaisseur de l’Afrique. Il a été nommé sur les conseils de M’ba. Ensuite, il décide de créer une garde présidentielle. Il nomme alors Robert « Bob » Maloubier, un ancien des services secrets français durant la Seconde Guerre mondiale, chef de la sécurité du président. Il se débrouille pour recruter des colosses, s’équiper en armes et faire de son équipe une unité d’élite. Et enfin, pour se mettre en conformité avec le droit international, la France signera des accords de coopération militaire avec ses anciennes colonies. Les accords initiaux de défense, prévoyaient l’intervention de la France qu’en cas d’agression extérieure et non de Coup d’Etat. Dorénavant, elle interviendra pour protéger les Chefs d’Etat de son « pré-carré ». Toutefois, un autre problème surgit. Léon M’ba tombe gravement malade, il faut donc lui trouver un successeur. Durant le putsch, ils ont repéré un jeune homme qui a fait preuve d’un sang-froid impressionnant. Cet homme est très jeune, il n’a même pas trente ans, des tests s’imposent pour s’assurer qu’il a les épaules assez larges pour une telle responsabilité. Le jury sera composé d’une seule personne et pas n’importe qui : le Général De Gaulle ! Dans les locaux de l’Elysée, le jeune homme passe l’examen avec succès. Il devient donc le successeur désigné de Léon M’ba. Cependant, il y a un denier obstacle. Pour que la procédure soit légitime, il faut changer la constitution. Foccart trouve la parade : il crée un poste de vice-président qui prendrait automatiquement la place de Léon M’ba en cas de décès. Ce dernier rechigne mais devant l’insistance du responsable de la cellule Afrique de l’Elysée, il finit par plier et signe la réforme de la constitution sur son lit d’hôpital !

Le 27 novembre 1967, Léon M’ba meurt des suites de son cancer. Comme le prévoit la toute nouvelle constitution, son vice-président lui succède : un certain Albert-Bernard Bongo…

Kalidou SY

Sources : Les dessous de la Françafrique, Monsieur X Patrick Pesnot, Broché

Françafrique, Patrick Benquet, Compagnie des Phares et Balises

Foccart, l’homme qui dirigeait l’Afrique, Cedric Tourbe

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